Poète méticuleux, esthète rationnel, Dominique Ropion est un oxymore à lui seul. « Enfant, je sentais tout, même une poignée de main! »se rappelle en riant Dominique Ropion. « J'appréhendais le monde par les odeurs, davantage que par les parfums. J'ai découvert ce métier très tôt, mais l'idée m'est venue beaucoup plus tard » résume-t-il avec une pointe d'étonnement. Afin de creuser dans la mémoire olfactive et le processus de création de ce génie de l'olfaction, nous sommes partis l'interviewer sur l'île de Jatte, près de Paris. Votre première rencontre avec un parfum? Cela doit être celui de ma mère « Calandre » de Paco Rabanne. Quel est votre plus vieux souvenir olfactif? Au risque de surprendre, un de mes plus vieux souvenirs olfactifs est en fait l'odeur du métro parisien et ses facettes de para-crésol! Cela aurait certainement été plus poétique de vous parler de jasmin en fleurs ou de rose, mais la réalité est que j'ai grandi à Paris. Ces odeurs métalliques et de goudron chaud se sont rapidement imprimées dans ma mémoire olfactive.
Le Prix France 2011 avait été attribué à Portrait of a Lady de Dominique Ropion Editions de Parfums Frédéric Malle « À l'instar des grands artistes, les meilleurs parfumeurs ont leur écriture. Faire parvenir ce message au public fut une des idées fondatrices des Editions de Parfums », raconte Frédéric Malle. Ses compositions, cousues des plus belles matières premières, ont en commun une vraie personnalité, une écriture épurée, une technique irréprochable et un souci rare des finitions. Cette collection d'exception se respire avec jubilation dans les cornets métalliques ou les colonnes à sentir des boutiques écrins de la maison. La dernière proposition, Portrait of a Lady de Dominique Ropion, est un exemple de la richesse d'une telle collaboration. Cette rose orientale est magistralement surdosée en essence de rose turque, en musc et en patchouli, mais aussi parée de fruits rouges, d'épices et d'encens. Ode à la sensualité, son sillage sombre, charnel et immédiatement identifiable évoque robe du soir et trésors de Schéhérazade.
Dominique Ropion donne encore une fois une leçon à la parfumerie moderne. Heureux que ça soit Olfactive Studio qui en profite. Sillage destructeur Au-delà du superbe cliché de Martin Hill, Chypre Shot est une création d'une puissance et d'une efficacité extrême. Avec une attaque d'une percussion Tysonesque, le trio de Cardamome, Safran et Bergamotte ne laissera personne indifférent. Le développement est pire encore. Café, Pivoine, Poivre noir et Thé noir, rien que ça! Puis le chypre se montre, avec ses inévitables Patchouli et Mousse de Chêne, son Labdanum. Le tour est joué, et c'est une sorcellerie. Chypre Shot est la meilleure réponse qu'un Bertrand Duchauffour pourrait lancer à un Dominique Ropion, même si, bien évidemment, le Chypre est sortit avant l'Iris. Mais cette collection est une véritable guerre où les missiles olfactifs se répondent les uns aux autres. Chybride Ce parfum est plus qu'un chypre, c'est un monstre. Sa projection peut atteindre Mexico en 30mn et son sillage brisera les nuques des américains au même moment que les asiatiques.
J'aime envisager que les matières premières et les accords peuvent eux aussi s'associer indéfiniment, en offrant des combinaisons surprenantes et inédites! Quelles sont vos matières premières préférées? Pourquoi? Vous le savez, j'aime particulièrement les fleurs, dans toute leur complexité. Notamment les odeurs de fleurs qu'on pourrait considérer primaires comme la rose, le narcisse, la fleur d'oranger, le jasmin, la tubéreuse, la violette. J'aime travailler toutes les facettes vertes, pétalées, fraîches et sensuelles mais aussi les notes de pétales séchés que peuvent offrir ces magnifiques matières premières naturelles: une seule fleur peut raconter des milliers d'histoires différentes, suivant le contexte dans lequel elle s'inscrit… J'affectionne aussi les ingrédients de synthèse, comme le cashmeran, qui offrent un caractère complexe et facetté: j'adore ses nuances sèches et fruitées de pin, qui révèlent ensuite une facette framboise légèrement musquée. Vous avez déclaré par le passé que pour créer un bon parfum il faut « connaître ses classiques » ou « bien étudier ce qui nous précède ».